Pour en finir avec certains clichés sur le Japon

Depuis le 11 mars 2011 et la catastrophe qui frappe le Nord du Japon, nous assistons à un déballage de stéréotypes sur les Japonais, dignes des meilleurs « journalistes » du XIXème siècle. Il me semble important de revenir sur ces malheureux clichés et d’en démontrer les inepties, afin d’apporter une meilleure connaissance de ce pays, de sa culture, qui est bien plus complexe que l’on ne veut bien le voir ici.

Le premier de ces clichés est : « ils n’ont pas d’émotion et le collectif prime toujours sur l’individu ».

Tout d’abord, ne pas se lamenter devant devant les télévisions du monde entier ne me paraît pas exceptionnel. Le respect de la dignité, de l’intimité dans la douleur, me semble être une réaction tout à fait saine et normale. Certes, cela cadre mal avec nos pratiques télévisuelles qui, depuis quelques années, abreuvées de télé-réalité, font un déballage d’émotions en direct, de larmes, de cris, de comportements complètement indécents qui ne doivent pas apparaître comme une norme de référence. En effet, toutes ces pseudo-émotions n’ont souvent rien à voir avec le choc vécu par les japonais après ce terrible tsunami.

D’ailleurs, lorsque l’on regarde certaines photographies (voir ci-dessous) ou que l’on lit certains articles , on se rend compte de la tristesse des survivants.

survivante retrouvant son frère et sa soeur, vivants, après le tsunami

femme effondrée après avoir reconnu les corps de son fils de 3 ans et de sa mère

Que les japonais victimes de cette tragédie préfèrent témoigner dans la presse écrite, plutôt que d’apparaître à la télévision, est une marque de décence et de dignité.

De plus, il faut revenir sur le soi-disant esprit collectif des japonais. De nombreux articles expliquent que, au moment de l’arrivée de la vague, c’était chacun pour soi. Un journaliste du New York Times met en évidence dans son article que les personnes âgées, incapables de se réfugier vite dans les hauteurs, ont été « abandonnées » à leur sort par les autres qui essayaient de se sauver. Certains ont aidé, d’autres, non. Comme cela se serait probablement passé n’importe où dans le monde.

La deuxième idée reçue sur laquelle je voudrais revenir est « Ils sont résignés face à la catastrophe ».

Le Japon est un des pays les plus dangereux dans le monde. Ce « danger » est lié aux risques naturels. Lorsqu’une tragédie les frappe, comme le dernier tsunami, que doivent-ils faire ? Crier contre les éléments ? Leur pays est, probablement, le mieux préparé au monde pour faire face aux séismes, tsunamis et autres typhons qui les frappent régulièrement ; donc, les réflexes et les consignes de sécurité sont intégrés par tous. Mais quand la nature a décidé de frapper, difficile de s’en prendre à quiconque…surtout quand on constate que les bâtiments ont plutôt bien résisté à un séisme de 9 sur l’échelle de Richter (c’est le maximum de puissance !) et que les alertes au tsunami ont fonctionné.

De plus, il y a au Japon une vraie « culture » de la catastrophe que l’on retrouve dans les mangas ou le cinéma.

"Ponyo sur la Falaise" (Hayao Miyazaki, 2009)

En effet, de nombreuses œuvres de science-fiction ou de fantastique se basent sur ce type de catastrophes.

Katsuhiro Ōtomo, "Akira" (1982). La destruction de Neo-Tōkyō

Reste le risque nucléaire qui s’abat maintenant sur la zone. Des millions de japonais ont quitté Tokyo et sa région mais pour aller où ? ceux qui n’ont pas de famille dans le sud doivent se payer l’hôtel ! et pour combien de temps ? quelques jours, une semaine, plusieurs semaines comme nous l’apprenons maintenant ? Soyons sérieux, il est impossible de faire face à une telle catastrophe dans une région de plus de 35 millions d’habitants. D’ailleurs, les Japonais ont peur et tentent de se protéger.

vérification de radiation sur un bébé de Nihonmatsu, dans la préfecture de Fukushima, le 15 mars 2011

un officiel en tenue de protection oriente une personne vers un centre de vérification de radiation à Koriyama, le 15 mars 2011

De plus, nous, en France, nous sommes très calmes, et pourtant nous possédons le 2ème parc nucléaire au monde pour un territoire très modeste. Si vous regardez la carte ci-dessous, vous pouvez constater que personne n’est à l’abri d’une catastrophe nucléaire et que faisons-nous ? Nous subissons, comme les Japonais. On pourrait me répliquer qu’une telle catastrophe n’est pas possible en France mais je vous rappelle que le Japon est un pays qui sait faire face à ces catastrophes et pourtant… Qu’en est-il pour nos centrales face aux risques d’inondations ? de tempêtes ?

carte nucléaire en France

Dans cet article, Gilles Balbastre explique que les risques majeurs de nos centrales résident dans la manière dont elles sont gérées, plus que dans les risques naturels.

Pour finir, le dernier sentiment très répandu en France est : « ils sont riches, ils n’ont pas besoin d’aide ».

Certes, le Japon est une des premières puissances économiques mondiales, ils n’ont pas besoin d’hommes, ni de matériels. Mais comme le rappelait le président de la Croix Rouge française, les taux d’assurance sont tellement élevés que de nombreux japonais ne peuvent pas assurer leur maison. Les ONG ont donc besoin d’argent pour aider les plus pauvres à reconstruire un logement.

Voilà, il ne s’agit pas ici de tomber dans un relativisme niais lié à la mondialisation.Les Japonais ont un sens du collectif et de la soumission plus poussé que chez nous. Leur environnement culturel, le shintoïsme, leur permet de faire face à des catastrophes naturelles avec un certain fatalisme. Les Japonais ont une culture riche et singulière, mais ce n’est pas à coup de clichés que nous pourrons mieux l’appréhender.

Bertrand Gault

2 réponses à “Pour en finir avec certains clichés sur le Japon

  1. charly hugo et thephane

    Gros bisous monsieur Le gros vous nous manquez !!! on a acheté votre livre on aimerait bien en parler avec car on trouve certains points assez illégitime !!!

  2. Merci de votre message ! Effectivement, il y a à redire… et sur certains points je ne suis même plus d’accord avec moi même ! Une chance que vous ne demandiez pas le remboursement de ce bouquin…
    Bonne continuation à vous !

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